Un avion exceptionnel

 

Concorde est un avion d’exception : se déplaçant à un rythme supersonique, ce « grand oiseau blanc» fascine par l’élégance de sa voilure delta et surprend par son nez basculant.

Premier avion civil supersonique

Concorde est le premier avion civil supersonique, fruit d’une collaboration franco-britannique. Sa capacité à franchir le « mur du son » le distingue des avions classiques. En croisière supersonique, Concorde se déplace à Mach 2, soit deux fois la vitesse du son !

« On est entré dans ce fuseau horaire complètement révolutionnaire: le mur du son … Le mur du son, c’est pour moi un mur qui a une vraie sonorité. Traverser le mur du son. »

Claude Nougaro

Une voilure delta néo-gothique

A la différence des premiers avions dont les ailes étaient perpendiculaires au fuselage, puis en forme de flèche, Concorde est doté d’une voilure delta. En faisant varier son angle d’attaque, la voilure du supersonique permet un éventail complet de vitesses. De plus, à partir d’un certain angle d’incidence, l’aile delta bénéficie d’une portance supplémentaire de près de 25%.

Un nez basculant

Concorde est curieusement équipé d’un long nez basculant. Cet ingénieux système permet aux pilotes de voir la piste à l’atterrissage quand la pointe est abaissée.
Cette originalité assure une meilleure adaptation aux différentes phases de vol :

  • abaissement faible au décollage, pour la montée initiale et l’approche,
  • nez relevé pour la montée, la croisière et la descente,
  • abaissement fort en phase d’approche finale, d’atterrissage et de roulage.

Le nez basculant comprend une visière transparente escamotable, qui vient rétablir en vol supersonique le contour aérodynamique de l’avion. Celle-ci protège également le pare-brise des effets de l’échauffement cinétique.

Des moteurs Olympus 593

Concorde est équipé de quatre moteurs Olympus 593, conçus conjointement par Rolls Royce et SNECMA. Ces moteurs, logés par paire sous les ailes, développent 70 tonnes de poussée. Ils sont équipés d’un système de post-combustion assurant la puissance nécessaire au décollage et lors de l’accélération pour atteindre la vitesse supersonique. Les entrées d’air de Concorde ont fait l’objet d’importantes innovations : leur débit est variable selon la vitesse et la tuyère d’éjection dotée de« paupières» à l’arrière, qui permet une inversion de poussée pour ralentir l’avion en vol ou à l’atterrissage.

 

Une fabuleuse épopée

 

Les prémisses de Concorde

L’idée de la conception d’un avion supersonique apparaît pour la première fois à Rome en 1935, à l’occasion d’une réunion sous l’égide de la Fondazione Alessandro Volta, qui rassemble une cinquantaine d’aérodynamiciens internationaux.
C’est aux Etats-Unis que le mur du son est franchi pour la première fois, en 1947, par Chuck Yeager à bord du Bell X-1. Les Etats-Unis poursuivent leurs études sur un avion supersonique. En parallèle, l’Europe teste des avions expérimentaux : Triton, Espadon, Trident, SE« Durandal», Gerfaut, Griffon, etc.
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les Britanniques se lancent dans la course au vol supersonique, notamment avec la tentative du Cornet. Les progrès de l’industrie aéronautique militaire profitent à l’aviation civile. En 1959, le Supersonique Transport Aircraft Comittee est créé en Grande-Bretagne.
En France, Sud Aviation lance la Caravelle, vendue à 282 exemplaires mais rapidement concurrencée par le DC9. Georges Héreil, Président de Sud Aviation, et Marcel Dassault signent alors un accord de coopération pour mettre en commun leur savoir-faire acquis avec la Caravelle et les Mirage, dans le but de concevoir un avion de transport supersonique civil.
De part et d’autre de la Manche, des instituts de recherche (ONERA, Royal Aircraft Establishment Farnborough) étudient la faisabilité d’un supersonique.

La délicate question de la concorde franco-britannique

A la fin des années cinquante, Français et Britanniques confrontent leurs travaux. Les premiers (Sud Aviation) travaillent sur un projet de « Super Caravelle » ; les seconds (la future British Aircraft Corporation) conçoivent le BAC 223, deux projets assez comparables. La principale différence tient au fait que les Français cherchent à concevoir un moyen­ courrier et les Britanniques un long-courrier.
Les deux parties se rejoignent sur le principe de l’aile delta. Les Britanniques proposent un nez basculant, formule déjà appliquée au Fairey Delta 2. Ils sont également d’accord sur le choix du matériau: un alliage d’aluminium, l’AU2GN. Les moteurs seront des Olympus 593, co-réalisés par Bristol Siddeley Engines Ltd (futur Rolls Royce) pour le propulseur de base et la SNECMA pour le système d’éjection.
En 1961, les bureaux d’études de Sud Aviation, conduits par Lucien Servanty, et de British Aircraft Corporation, dirigés par W.J. Strang, se rapprochent. Un accord intergouvernemental est signé à Londres le 29 novembre 1962. Il consacre le principe de partage égal entre les deux pays : chaque pays a sa propre chaîne d’assemblage, construit son propre prototype, et dirige alternativement la division technique. Ils partagent également le financement du programme, les travaux de développement et la production.
Cette coopération pose cependant un certain nombre de difficultés d’ordre pratique (alternance de la présidence, la langue, unités de mesure) et technique (méthodes de travail). Au moment du refus de l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté Européenne, les tensions entre les deux Gouvernements s’accentuent. Finalement, malgré leurs menaces, les Britanniques ne se retirent pas du projet.
En 1963, une discussion s’engage sur le nom du supersonique. Le Général de Gaulle le baptise« Concord», terme commun aux deux langues et faisant référence à l’entente entre les partenaires. Une polémique sur la présence ou non du « e » final oppose les deux pays. En 1967, il est finalement décidé que le supersonique s’appellera « Concorde » dans les deux langues, le « e » évoquant « Excellence », « England », « Europe » et « Entente ».

« Concorde ça veut dire la paix entre les hommes. La Concorde, c’est la Paix. »

Claude Nougaro

A avion exceptionnel, moyens exceptionnels : un programme hors-normes

Des moyens exceptionnels sont déployés pour le lancement du programme Concorde. En terme de conception, les nouveaux matériaux doivent pouvoir résister à des températures élevées. En production, les premières fraiseuses à commande numérique font leur apparition. Deux nouveaux halls d’assemblage et une nouvelle piste sont implantés à Toulouse. Au total, environ 600 entreprises participent à la construction des pièces de Concorde.

La course contre le temps : les rivaux

Les grandes puissances américaine et soviétique ont également dans leurs cartons des projets de supersonique civil : Boeing 2707 pour les Etats-Unis et Tupolev 144 pour l’Union Soviétique. Seul le Tupolev volera en décembre 1968, soit 3 mois avant Concorde ! Il franchit pour la première fois le mur du son en juin 1969 et passe Mach 2 en mai 1970. Cet appareil est quasiment identique au Concorde, à tel point qu’il sera nommé« Concordsky » par les spectateurs au Salon du Bourget de 1973. Mais un accident dramatique met un terme à la carrière de l’avion: il se désintègre au sol lors du Salon du Bourget.

Le temps de l’apprentissage

Les essais au sol

Concorde passera plus de 10 ans en essais, de 1965 à 1976: 20.000 heures de tests sur les matériaux, 4.000 heures d’essais en soufflerie et 30.000 heures sur les moteurs. Du jamais vu. Fin 1967, Concorde sort pour la première fois du hangar. Un an et demi plus tard a lieu son premier roulage officiel. Entre temps, c’est la première mise en route des moteurs (point fixe des réacteurs) et les premiers essais de roulage. Les essais de fatigue permettent de vérifier la résistance de l’avion sur trente ans et plus.

Les essais en vol

Les essais en vol s’échelonnent sur sept ans. Huit appareils y participent, totalisant plus de 5.500 heures de vol dont près de 2.000 en supersonique.
Le 2 mars 1969 est un grand jour : celui du premier vol, à Toulouse. Ce vol durera 29 minutes. L’équipage est composé du pilote André Turcat, du co-pilote Jacques Guignard, de l’ingénieur navigant Henri Perrier et du mécanicien navigant Michel Rétif. Le mythe Concorde est en train de naître en présence de milliers de spectateurs accourus pour assister à cet événement unique.
Un mois plus tard, le 9 avril 1969, le prototype britannique décolle à son tour, avec Brian Trubshaw et John Cochrane aux commandes. En octobre 1969, le prototype français franchit le mur du son. En novembre 1970, il passe Mach 2.
Démarrent alors une série de tournées de démonstration des deux prototypes. Le monde entier salue leurs passages : Amérique Latine (Brésil), Asie, Océanie, Afrique, etc. Concorde enchaîne sur les essais temps froid (en Alaska sous -43°) et temps chaud (au Moyen Orient, par 47° à l’ombre). Le supersonique connaît également des vols exceptionnels: 1973, le grand oiseau blanc vole à la rencontre d’une éclipse solaire, véritable laboratoire d’observation en vol pour une équipe de scientifiques internationaux. Ce jour-là, Concorde est resté dans l’ombre de la lune pendant 74 minutes !

L’envergure rétrécie

Mais les difficultés ne tardent pas à s’enchaîner. Le programme connaît des retards successifs, entraînant le report du premier vol. Ces retards trouvent leur explication dans les inconnues technologiques auxquelles sont confrontés les ingénieurs et les modifications successives apportées à l’avion pour satisfaire les exigences des compagnies clientes. Ces retards sont amplifiés par l’obligation de respecter le principe d’égalité entre Français et Britanniques. L’interdiction par les Etats-Unis du survol de leur territoire en supersonique aura des conséquences dramatiques.
De 1973 à 1975, deux années noires : premier choc pétrolier. Le carburant devient un enjeu majeur dans l’industrie aéronautique. Le carnet de commandes de Concorde qui culminait à 74 appareils, pour 16 compagnies clientes, enregistre de nombreuses annulations, dont la Pan Am et TW A. En définitive, seuls 16 exemplaires de série sont fabriqués et mis en service par Air France et British Airways.

L’exploitation commerciale

Les autorités françaises certifient Concorde le 9 octobre 1975, après environ 5 500 heures de vol. Le certificat britannique est délivré le 5 décembre 1975. Commence alors l’exploitation commerciale. Air France ouvre en 1976 la ligne Paris – Dakar – Rio, puis Paris – Caracas. British Airways inaugure la ligne Londres – Bahreïn. La même année, les compagnies obtiennent l’autorisation tant attendue du survol des Etats-Unis. En mai 1976, deux Concorde se posent simultanément à l’aéroport Washington Dulles pour inaugurer l’ouverture de la ligne. En novembre 1977, la liaison vers New York est inaugurée à son tour, après de nombreux rebondissements. Malgré le développement et la prolongation des vols réguliers, la mise en service du supersonique n’offre pas la rentabilité escomptée, en raison d’un coût d’exploitation élevé. Les chocs pétroliers et les coûts de maintenance y contribuent largement. Certaines liaisons sont progressivement interrompues.

Des vols exceptionnels

Air France et British Airways développent des vols spéciaux ou « vols charters » pour améliorer la rentabilité du supersonique. Des vols spéciaux relient Washington à Nice ou encore Londres à Sidney. En novembre 1986, British Airways lance une formule« tours du monde ». Le supersonique britannique parcourt la planète en 16 jours, via New York, San Fransisco, Honolulu, Guam, Hong Kong, Bali et Le Caire. Air France réalise quelque temps plus tard le même périple en 18 jours. Les tours du monde se succèdent, au cours desquels Concorde enregistre des records de vitesse. En 1987, Concorde parcourt près de 43.000 km en 31 heures et 57 minutes. En 1992, le supersonique fait le tour du monde en passant par l’Ouest en 32 heures 49 minutes. En 1995, un tour du monde vers l’Est est effectué en seulement 22 heures et 39 minutes. Durant cette période, Concorde réalise une trentaine de tours du monde. Voyageurs fortunés montent à bord de l’oiseau blanc. Des agences proposent des« baptêmes de l’air supersonique». Concorde fait également l’objet de campagnes publicitaires : en 1996, Concorde arbore les couleurs de Pepsi pour sa nouvelle campagne de publicité.

La fin du voyage, le début d’un mythe

Le 25 juillet 2000 sonne le glas de cet extraordinaire avion, peu après l’accident d’un appareil de la flotte d’ Air France: le F-BTSC, à Gonesse. L’exploitation commerciale des Concorde des deux compagnies aériennes est interrompue pendant un an. Le supersonique vole à nouveau en septembre 2001, moment peu favorable. Le trafic aérien est fortement perturbé suite à la tragédie du 11 septembre. Air France et British Airways annoncent l’arrêt de l’exploitation des Concorde. L’empreinte laissée par l’oiseau blanc demeure à jamais celle d’un accomplissement humain et technologique remarquable, ayant ouvert la voie aux réalisations futures de l’industrie aéronautique européenne. Un rêve devenu réalité; des ambitions partagées ; des prouesses technologiques accomplies.

 

CONCORDE : CARTE D’IDENTITE

 

DIMENSIONS/ CONTENANCE

Envergure : 25,56 m
Longueur : 62, 10 m
Hauteur: 11, 41m
Surface de voilure : 328, 25 m2
Poids à vide: 77.500 kg
Capacité des réservoirs carburant: 119.750 litres

CAPACITÉ D’ACCUEIL

Version standard: 128 passagers
Version Air France / British Airways : 100 passagers

VITESSE

Vitesse de croisière : Mach 2,02 (2 179 km/h)
Vitesse maximale : Mach 2,23 (2 405 km/h)
Vitesse d’atterrissage : 360 km/h

PERFORMANCES

Altitude opérationnelle : 18.300 m
Distance franchissable: 6.250 km (100 passagers)

PROPULSION

4 réacteurs Rolls Royce – SNECMA Olympus 593

 

Une star incontestée

 

Une clientèle privilégiée

Le voyageur du Concorde est accueilli comme un hôte de marque. Sa moindre exigence doit être entièrement satisfaite. Chaque détail est minutieusement étudié à l’embarquement comme à bord. Un circuit court, spécialement aménagé, permet aux voyageurs un accès rapide à bord du supersonique. Un numéro spécial est mis à leur disposition pour les réservations. Un service spécial de bus les conduit à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, où ils sont accueillis par des porteurs à leur service. Les passagers bénéficient d’un enregistrement dans une zone réservée, indiquée par une signalisation« spécial Concorde». L’attente à l’enregistrement est atténuée par la mise à disposition de salons privés luxueux. Les formalités de douane sont accélérées et des « espaces Concorde» accueillent les passagers« sous douane». A bord, des mets délicats leur sont servis ainsi qu’une gamme de présents luxueux. Le personnel du Concorde veille au bien-être total de sa clientèle, à tout moment du voyage.

La vitrine du design

Concorde représente pour le designer une vitrine idéale pour exercer ses talents artistiques. La décoration intérieure de l’appareil et les tenues du personnel navigant sont confiées à de célèbres créateurs. La première cabine du supersonique est aménagée par Raymond Loewy, fameux représentant du design industriel dans les années soixante-dix. L’un de ses élèves, Pierre-Gautier Delaye, réaménage le supersonique en 1988. Andrée Putman, icône du design français, crée également une décoration intérieure. Chaque objet porte la signature Concorde, des cendriers à la vaisselle. Pour passer le millénaire, le collectif Radi Designers dote le Concorde d’un nouvel intérieur qu’il conservera jusqu’à son dernier vol. Les costumes du personnel navigant sont également conçus par les plus grands créateurs de la mode française Carven, Christian Dior, Balenciaga, Nina Ricci, Jean Patou, et Christian Lacroix.

Des menus d’exception

Les menus et vins servis à bord font l’objet d’une sélection drastique. Proches des plus grands restaurants, les menus sont accompagnés de champagnes et de grands crus sélectionnés par des sommeliers renommés. Afin de préserver la qualité et les saveurs des plats, les mets sont cuisinés quelques heures avant le décollage de l’avion, par des chefs formés dans le centre d’Alain Ducasse. Un menu spécial, élaboré par de grands ambassadeurs de la gastronomie française, est proposé pour tout événement remarquable.

L’avion des célébrités

Concorde est un avion hors du commun. Les grands de ce monde, personnalités, et célébrités composent une grande partie de sa clientèle. Les Présidents Français ont fréquemment voyagé à bord du supersonique, objet de fierté nationale. Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac l’ont utilisé à l’occasion de déplacements officiels. Le Général de Gaulle a également voyagé à bord du supersonique. De nombreuses personnalités politiques ou religieuses ont emprunté Concorde : le Pape Jean-Paul II, la Reine Elisabeth II, le Shah d’Iran, etc. De nombreux artistes se sont déplacés en supersonique: chanteurs (Mireille Mathieu, Patricia Kaas), acteurs (John Travolta), musiciens (Aldo Ciccolini), etc. Parmi les créateurs, le couturier Karl Lagarfeld ne se fait pas oublier. Enfin, les hommes d’affaires affectionnent aussi tout particulièrement le supersonique.

« Peu à peu, Concorde est devenu une star du voyage dans les airs. Il a côté jet set. C’est un bijou luxueux. »

Claude Nougaro

 

Une prouesse technologique

 

Concorde représente une avancée technologique remarquable, tant ses retombées ont été
nombreuses dans le secteur aéronautique comme industriel. Les recherches et développements suscités par le supersonique ont engendré de nombreuses innovations, touchant à des
domaines aussi variés que les concepts de production, les outillages, et les matériaux.

« Mon premier vol à bord de Concorde m’a laissé le souvenir d’être dans la carlingue d’un animal complètement moderne, nouveau. L’impression d’être dans le génie de l’homme. »

Claude Nougaro

Les systèmes et les équipements

  • Concorde est le premier avion commercial équipé de commandes de vols électriques. Celles-ci ont été généralisées chez Airbus à partir de l’ A320, puis sur l’ensemble de ses appareils offrant ainsi l’atout d’une gamme d’avions au pilotage très proche.
  • Le pilotage par mini-manche latéral des Airbus a été expérimenté pour la première fois sur Concorde (sur le propotype F-WTSB).
  • Les freins en carbone, aussi résistants mais beaucoup plus légers que les freins en acier, ont également fait leur apparition sur Concorde. Ils résistent à 1 200°C en freinage d’urgence sur 2000 mètres. Une grande majorité des avions disposent aujourd’hui de ce type de matériaux dans leurs systèmes de freinage.
  • La détection du sous-gonflage des pneumatiques apparaît pour la première fois sur Concorde.
  • La miniaturisation et l’automatisation ont également fait un bond considérable dans les systèmes de pilotage et de navigation, mais aussi dans les outils, les robots. La miniaturisation des composants électroniques a bénéficié à la médecine pour les stimulateurs cardiaques.
  • Différents types de commandes automatiques ont été développés sur Concorde, telles que les commande de régulation de moteurs ( électriques et électroniques) et les commandes de régulation automatique des entrées d’air.

Les méthodes et les outils

  • Les premières machines-outils à commande numérique, comme les fraiseuses de grande dimension pour l’usinage des pièces complexes à partir de simples lingots, ont été introduites en France grâce à Concorde.
  • La télémesure -évaluation au sol en temps réel des performances et du comportement des avions en cours de vol d’essais -s’est considérablement développée avec Concorde.
  • Le système de freinage SP AD, dispositif antipatinage dont est dérivé le fameux ABS de nos automobiles, est apparu pour la première fois sur Concorde. Tous les avions commerciaux actuels sont équipés de ce dispositif.
  • Concorde est à l’origine du système de type ATEC (Automatic Test Equipment for Concorde), qui permet la détection de pannes avant leur apparition en s’appuyant sur la redondance double, voire triple, des équipements sensibles. Celui-ci est aujourd’hui commercialisé par Airbus et Boeing dans le monde entier.
  • Concorde a été un précurseur dans le domaine de la simulation en vol. Le simulateur s’est amélioré au fur et à mesure du développement de l’avion, toute nouvelle donnée mesurée sur l’avion réel étant intégrée en parallèle dans les programmes du simulateur.
  • Concorde est le premier avion civil à disposer d’une procédure de transfert de carburant, permettant le rééquilibrage de l’avion par déplacement du centre de gravité pour alignement au centre de poussée aérodynamique.
  • Concorde est le premier avion doté d’une structure en nid d’abeille, qui permet, tout en gagnant du poids, d’avoir une meilleure résistance.
  • En aérodynamique. le calcul numérique des écoulements tridimensionnels – en subsonique comme en supersonique – a permis d’optimiser les formes.
  • En calcul des structures. la mise en œuvre d’un code de calcul tridimensionnel aux éléments finis a constitué le point fort sur lequel s’appuient les bases de calculs des structures des avions conçus après Concorde.
  • En étude des systèmes, l’utilisation d’un banc d’essais de systèmes à l’échelle un, couplé à un simulateur d’études modélisant les équations du vol, représente aussi une innovation.

Les matériaux

Le développement de Concorde a permis la mise au point, la fabrication et l’usinage de matériaux, tels que :

  • L’alliage léger AU2GN: ce matériau résiste à des températures pouvant aller jusqu’à 150° C. Celui-ci est actuellement utilisé sur les Airbus, les hélicoptères, et dans les industries mécaniques et nucléaires.
  • Les aciers spéciaux et réfractaires : des aciers à haute résistance et matériaux tenant à des températures très élevées sont apparus suite aux études réalisées pour Concorde. Ce dernier est le premier avion utilisant l’acier spécial 35NCD16 pour le train d’atterrissage, aujourd’hui présent sur tous les Airbus.
  • Le titane et ses alliages : l’ère Concorde a favorisé l’emploi en quantités plus importantes d’alliages de titane dans les programmes aéronautiques (Airbus) et spatiaux (satellites), participant à l’allègement des masses.
  • Les matériaux non-métalliques : les études relatives au vieillissement de longue durée, à température élevées, exigées par Concorde (de 120 à 150° C), ont assuré une connaissance approfondie du comportement de matériaux variés : verre, colles, peintures, élastomères. Ainsi, le verre armé des hublots et du pare-brise, qui a été développé pour Concorde, équipe aujourd’hui tous les TGV. De nouvelles peintures ont été élaborées afin de résister aux basses comme aux hautes températures. Le Teflon si prisé de nos poêles et casseroles a initialement été conçu pour les axes de commandes de vol. Les microcontacts, réalisés pour résister à des variations étendues de température, sont également utilisés dans l’industrie nucléaire.
  • Les matériaux composites : des structures à base de fibre de carbone (trappe de train, élevons) ont été testées sur les prototypes de Concorde. Ces développements ont facilité l’intégration de matériaux composites dès l’origine du programme Airbus. Les matériaux composites à base de fibre de verre mis au point grâce au supersonique sont aujourd’hui utilisés dans l’aviation de loisir, l’industrie automobile et sur les bateaux de plaisance.

 

Qu’est devenu Concorde?

 

Vingt Concorde ont été construits, dont six pour le développement et quatorze pour les vols commerciaux. Air France et British Airways ont respectivement détenu sept Concorde chacun. La plupart des vingt supersoniques sont désormais exposés dans de grands musées aéronautiques ou des aéroports européens et américains.

Les Concorde destinés au développement

Parmi les avions consacrés au développement, on compte deux prototypes, deux appareils de présérie et deux des seize avions de production, à usage non commercial.

  • Les prototypes :
    Le F-WTSS, fameux Concorde du premier vol, et le G-BSST sont respectivement exposés au Musée de l’ Air et de l’Espace du Bourget (France) et au Fleet Air Arm Museum de Yeovilton (Angleterre).
  • Les appareils de présérie :
    Le F-WTSA et le G-AXDN se trouvent au Musée Delta d’Orly (France) et au Musée aéronautique de Duxford (Angleterre).
  • Les appareils de production :
    Le F-WTSB est exposé sur le site d’ Airbus à Toulouse (France) et le G-BBDG a été donné au Brookland Museum de Weybridge (Angleterre).

Les Concorde d’Air France

Cinq supersoniques aux couleurs d’ Air France sont encore visibles.
Le F-BVFA (Fox Alpha), le plus ancien Concorde de la flotte Air France, a été donné au National Air and Space Museum de Whasington (Etats-Unis). Le F-BVFB (Fox Bravo) a été légué au Musée de l’ Automobile et des Technologies de Sinsheim (Allemagne). Le F-BVFC (Fox Charlie) a également rejoint le site d’ Airbus à Toulouse. Il rejoindra le Parcours de découverte Aéronautique du Grand Toulouse qui ouvrira ses portes en 2009. Le FBTSD (Sierra Delta) fait face au prototype, au Musée de l’ Air et de l’Espace du Bourget (France). Enfin, le F-BVFF (Fox Fox) est exposé à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle (France).

Les Concorde de British Airways

Le G-BOAA est aujourd’hui exposé au Scottish National Museum. Le G-BOAB se trouve lui à l’aéroport de Londres Heathrow. Le G-BOAC est au parc de visite de l’aéroport de Manchester (Angleterre). Le G-BOAD est à l’Air and Space Museum de New York. Le G­BOAE est au Grantley Adams Airport à Bridgetown. Le G-BOAF se trouve à Airbus and the Bristol Aviation Heritage Museum (Angleterre). Enfin, le G-BOAG est exposé à Seattle, au Museum of Flight.

 

Le mythe Concorde

 

Sublime réussite de coopération humaine et technologique, mais écueil commercial

Cher à exploiter et moins rentable qu’escompté, Concorde représente un échec économique. Sur le plan technique, le supersonique est une formidable réussite. Les innovations générées par le supersonique sont à la hauteur du challenge fixé. Ces innovations résultent de recherches menées afin de résoudre des problèmes inédits : il a par exemple fallu adapter la carlingue du supersonique au fait que celui-ci s’allonge de 20 cm sous l’effet de la dilatation due à la chaleur ! Les prouesses technologiques induites par Concorde ouvrent ainsi la voie au succès de l’aéronautique européenne et notamment à celui des programmes Airbus.

Le symbole du rayonnement de la France et de la Grande-Bretagne

Concorde a permis à la France et la Grande-Bretagne de démontrer au monde entier leurs performances, voire leur supériorité technologique. Le supersonique a ainsi fortement concouru au prestige et à la fierté des Gouvernements franco-britannique. Révolutionnaire de par sa conception, cet appareil a soulevé l’enthousiasme des industriels. Concorde attise également la curiosité et fait l’admiration du grand public, qui vient en masse le regarder décoller et atterrir, à tel point que des embouteillages se créent à son approche. Au-delà de ses détracteurs, Concorde fait rêver, d’autant qu’il correspond à une époque d’effervescence
intellectuelle, culturelle, industrielle, économique et politique. N’oublions pas que le premier vol du Concorde s’est déroulé juste quelques mois avant le premier pas de l’homme sur la lune …

« les embouteillages »

Michel Rétif, le mécanicien navigant du premier vol

L’avenir du supersonique

Suite à la cessation d’activité de Concorde, des études ont été menées sur un futur supersonique. Les différents projets développés se sont appuyés sur l’intégration d’innovations permettant une meilleure adaptation aux nouvelles contraintes environnementales. La réglementation en vigueur, depuis le nouveau millénaire, impose en effet des remaniements importants, notamment pour répondre aux normes définies en termes de bruit et d’émissions atmosphériques. Par ailleurs, pour qu’un supersonique de nouvelle génération soit rentable, il apparaît nécessaire d’augmenter son rayon d’action, et de réduire sa consommation en carburant et ses coûts de maintenance. Face à ces exigences, les études sur une version améliorée du supersonique n’ont pas encore abouti. A quand un successeur à Concorde?